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Mon sitcom
3 janvier 2005

L'enfer était dans l'sac

25 décembre 04.

Un sac en poils de lapin angora chinois* (*Made in China, c'est écrit sur l'étiquette mais le lapin dont il est question avait peut être une autre nationalité, je ne le saurais jamais et ça me hante pas mal) de couleur jaune poussin à porter en bandoulière* (*en daim, la bandoulière) est entré brusquement dans ma vie.

Ce sac à l'aspect non anodin a réussi l'exploit de transformer une fête banale en psychodrame familial. Ce qui va suivre peut servir d'exemple. Désormais, vous aussi, vous serez apte à réagir avec dignité et élégance lorsqu'un sac en poils de lapin angora chinois de couleur jaune poussin à porter en bandoulière* (*à prononcer d'une seule traite) fera irruption dans votre vie jusque-là sans histoires.

 

Scène 1 - Réception de l'animal

 

La bestiole m'attendait, tapie dans l'ombre, suffoquant sans doutes depuis déjà des jours sous son papier cadeau pailleté. Me voilà avec LE cadeau entre les mains. Petit « mais qu'est-ce que c'est ? » de circonstance. Première impression après toucher-soupesage-préalable-sourire-incrusté : mollesse et légèreté de L'objet - tout semble indiquer qu'il s'agit d'un ensemble drap de bain et gant de toilette assorti. Je frémis d'avance. La joie de recevoir DOIT se peindre sur mon visage. Je me prépare à m'extasier, me lever, simuler une sortie de douche éprouvante* (*passage chaud-froid assez difficile psychologiquement), faire mine de m'envelopper avec une franche délectation dans ce voluptueux drap de bain. Et puis terminer en beauté : « Ah, ça tombe bien, je n'ai jamais de jolis draps de bain à proposer à mes invités ». L'essentiel ? Bien signifier qu'il y aura eu un avant ensemble drap de bain et gant de toilette assorti et un après, forcément plus rayonnant, beaucoup plus. De toute façon je fais fausse route. Ce qui m'attend est tout autre. J'ouvre. Le voilà. Jaune. Très jaune. Poilu. Très poilu. Les mots me manquent. Je suis surprise, beaucoup, très. Il est loin, très loin le drap de bain. Je dois composer avec un lapin transformé en sac à main. Mort pour la mode. Silence. Je peux encore faire passer mon mutisme sur le compte du ravissement teinté d'émotion.

 

Scène 2 - Pourquoi lui. Pourquoi moi. Questions animalesques.

 

Je prépare une réplique mais je n'ai pas le temps de la tester. Rententit cette terrible phrase : « Alors, t'es contente, c'est celui qu'on avait vu ensemble, tu t'souviens tu m'avais dis que t'aimais bien ». Terrible parce que vraie. Le boomerang poilu me revient en pleine face. Oui, je me revois, découvrant la photo DU sac dans un magazine et moi, toujours ce foutu moi en train de prononcer cette phrase par qui le destin arrive : « Ah, c'est marrant ça, j'aime bien, regarde, hein, c'est marrant ». Tout est donc de ma faute (en plus). Qui sème les j'aime bien récolte le lapin. Oui, parce que le j'aime bien relève chez moi de la manie à la limite de la pathologie. Je peux dire j'aime bien à propos de tout et n'importe quoi, du caniche teint en orange abricot jusqu'aux mules d'intérieur en satin rose fushia avec pompon en plumes assorti. Des j'aime bien dans l'instant, sans arrières pensées, qui n'ont que faire du bon goût, souvent très portés sur la paillette et l'immettable. Ce 25 décembre, je l'apprends à mes dépends, ce genre de j'aime bien écervelés peuvent s'avérer très dangereux en période de fêtes.

  

Scène 3 - Adopter l'animal (feindre d')

 

Je suis donc dans l'impossibilité de dire que je n'aime pas parce que j'ai dis que j'aimais bien donc si je dis maintenant que je n'aime plus cela voudra dire que lorsque que je dis que j'aime bien cela signifie que j'aime bien dire n'importe quoi aux gens que j'aime bien, ou que j'aime tout court. Dilemme. La personne au sac en lapin (ma sœur) argumente son choix. Elle est contente d'avoir pu le trouver, elle s'est dit que ça irait bien avec mon manteau, elle était sûre que ça me ferait plaisir en plus elle a pu avoir une petite réduction parce qu'à l'origine il était pas donné. Tout ce que je trouve à dire : « ah c'est bien, j'aime bien, c'est très doux comme matière ». Nunuche + voire + +. On passe à autre chose. Je reste comme tétanisée sur l'accoudoir d'un fauteuil caressant nerveusement mon nouveau sac en lapin punk.

 

- Entracte -

 

Le sac en lapin ou lapin-sac dort pour l'instant paisiblement sur un fauteuil et prépare sa vengeance (il a sûrement senti que je ne l'aimais pas, les animaux sentent ces choses-là). Noël suit son cours. Le pire est à venir.

 

Scène 6 - Dénouement

 

On me demande d'essayer LE sac, « avec mon manteau, pour voir ce que çà donne ». Je m'exécute. Ma soeur est enthousiaste. La frange masculine présente ce jour-là dans la pièce semble beaucoup plus réservée quant à l'esthétique de L'objet. Et puis c'est la drame. Je constate avec effroi que le sac en lapin perd ses poils. Charmant. Ma mère tente de faire diversion avec un petit « Mais non, c'est rien, tu as du t'asseoir à côté du chat ». Une observation détaillée et groupée* (*4 personnes suivent l'affaire de très près depuis maintenant une bonne dizaine de minutes) du poil à la lumière d'une ampoule 40W révèle qu'il s'agit bien du lapin. Ma mère toujours pragmatique tente cette fois le tout pour le tout avec un basique « Mais c'est pas grave, et puis c'est normal ». Ah bon.

 

De mon côté, c'est le poil de trop, j'avoue, le masque tombe. Non je n'aime pas le sac. Oui, je veux bien l'échanger si c'est possible. Ma sœur est sous le choc. Face à moi le tribunal de noël toujours composé de quatre personnes fait bloc. Accusée levez-vous. Les délégués du père Noël vont rendre leur verdict. J'ai osé renier un cadeau. Les faits qui me sont reprochés sont graves. Finalement j'ai droit à un serment, « tu sais des fois la franchise peut blesser » et à quelques heures de rancœur.

 

Moi-même je m'étonne, j'ai toujours refusé d'échanger un cadeau* (*et ce même lorsqu'il s'agit d'une statuette en faïence nacrée censée représenter un chiot cocker qui donne la patte). Jusque-là je m'étais fermement agrippée au bon vieux principe du un cadeau c'est un cadeau.

 

J'ai fauté. Je suis désormais inscrite sur la black list du Père Nono.

 

"Moi qui croyais que t'aimais les animaux"

 

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Commentaires
K
Bonjour!J'ai bcp de plaisir à lire ton blog...et cela fait un mois maintenant qu'aucun article n'ai été rajouté...adieu monde cruel!
V
miam, comme d'hab'...<br /> il m'est arrivé un peu la même chose... avec un service de verre... D'un autre coté, je positive, à la première bataille intra-couple, je sais quelle partie de la vaisselle je lui envoie à la figure ;-)
P
(A lire avec la voix de la Claudia Chiffon vieille et hébétée d'Antoine de Caunes, qui imite le style de Marguerite Duras avec un léger accent étranger à consonnance germanique.)<br /> <br /> Jaune. Un lapin. Un lapin jaune. Des poils. Des poils de lapin jaune. Un sac. Un sac en poils de lapin jaune. La mort. Ton visage. Ton visage jaune. La mort sur ton visage jaune. Des poils. Des poils jaunes. Des poils jaunes sur ton visage. Des poils jaunes de lapin mort. Un sac disparu. Des poils jaunes sur ton visage. Jaunes. Jaunes les poils sur la céramique blanche. Un poil sur la lunette. Un poil jaune.
V
J'adore te lire, toujours aussi drole.... mais O combien vrai.
C
C'est moche, si au moins la mort de cet improbable lapin avait pu rendre quelqu'un heureux...<br /> <br /> Ca me rappelle que j'Ai toujours dans un placard cet intemporelle veste huilée de chasseur "qui-va-communier-avec-la-nature", preuve irréfutable que ma marraine n'est pas à l'abri d'un dérapage esthétique...
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