Les dessous des dessous
J'ai assisté à un débat dans un café, à un café débat quoi. Je connaissais déjà les cafés philo. Enfin de vu, hein, pas personnellement. Ce mardi d'octobre j'ai découvert un débat d'un style peu commun. Le genre à faire disparaître les stéréotypes incrustés et autres clichés tenaces :
- Dans un café débat, on fume des cigarettes roulées ( * )
- Dans un café débat, on porte des Clark's noires avec des lacets vintage et des pantalons en velours côtelé marron ( * )
- Dans un café débat, on réajuste ses lunettes rondes cerclées de métal ( * )
- Dans un café débat, on s'assure toutes les 15 minutes (en moyenne) que sa coiffure a toujours sa touch
coiffée-décoiffée-saut-du-lit-j'ai-d'autres-choses-plus-intellectuels-à-faire-que-de-me-laver-les-cheveux ( * )
- Dans un café débat entre deux prises de parole pertinentes - on peut dire des trucs comme çà :
« J'ai voyagé pendant 1h30 », « Je me sens capable d'inventer le théâtre de demain » ou « Je lui ai dis, moi, ta performance elle est pourrie, ah, ah, ah » ( * )
(*toute ressemblance avec une personne ayant réelement existée est comme d'habitude totalement intentionnelle)
Non parce que le débat dont je vous parle se situait à un autre niveau. Son thème était le suivant : le phénomène string. Ah bah oui, en matière de sortie culturelle, je cible toujours les trucs un minimum sérieux.
A ce stade, il serait donc judicieux - peut-être même vital - de bâtir un argumentaire solide pouvant apporter à ma présence en ce lieu, ce jour, à 18h30 tapantes, un semblant de caution intellectuelle :
- Solution 1 : j'étais là par hasard.
- Solution 2 : j'étais là parce que je réalise une étude sociologique sur le port du string en milieu urbain.
- Solution 3 : j'étais là parce que j'ai subi des pressions mais je ne peux pas en parler ici.
La vérité, c'est que j'étais là-bas de mon plein gré. Les faits sont là. Ce mardi d'octobre, assise sur un tabouret de bar, au fond du café près des toilettes des femmes, j'étais prête à tout entendre mais pas à tout comprendre sur cette sombre affaire de string. Ceci n'est pas une blague.
On me demande ce que je veux boire. Dans le doute je reste prudente. Je fais comme tout le monde, un coca s'il vous plaît. Faudrait pas d'emblée que je commence à faire désordre avec mon diabolo grenadine.
On attend. Je remarque la présence de personnes relativement « âgées ». Le string est donc intergénérationnel. La situation est cocasse. Assise aux côtés de cinquantenaires et s'interroger ensemble sur la fonction du string dans nos sociétés occidentales.
Le débat commence. L'heureux propriétaire d'un magasin de lingerie (fine), sosie de Laspales de chez Chevalier & Laspales, a des choses à dire. Faut dire qu'il en a vu des courbes, confessé des dames dans le secret de ses cabines d'essayages. Il emploi des demi-mots, le contenu de son propos est pour le moins sibyllin. On apprend que « le string se porte à tout âge », qu'il serait un outil de séduction, pire l'objet du délit aurait « une charge érotique ».
Une voix dans l'assemblée s'élève. Un homme ose protester. Il est celui qui va dire non. Non, le string ne le séduit pas, oui le « shorty est beaucoup plus sexy ». Commence alors une discussion ayant pour point de départ l'hypothèse suivante : la femme habillée est plus belle que la bimbo en bikini rose lamé. Grace Kelly v/s Pamela Anderson. Conversation surnaturelle. Instants précieux comme dirait Lancôme.
Un autre homme (oui, bizarrement les hommes furent très loquaces ce soir là), vient clore la polémique et s'apprête à prononcer cette ou plutôt LA phrase mémorable de la soirée, de celle qu'on n'oublie pas :
« De toute façon, ce qui compte c'est pas le string, c'est ce qu'il y a dedans ».
Je craignais le dérapage. C'est fait. Vulgairement vôtre.
Petit moment de flottement. A ce sujet, les femmes sont timides. Je me rends compte que je n'ai rien à dire. Je pourrais me lever, dire « le string c'est pratique ». Trop risqué. Une intervention de si mauvaise qualité peut me faire passer pour une écervelée.
Heureusement, un gentleman providenciel a la bonne idée de prendre la parole et de dénoncer sa voisine (et amie je présume) en indiquant au plus grand nombre que celle-ci porte depuis toujours des culottes Petit Bateau. La malheureuse est gênée (Ah bon ?) et se sent obligé de justifier cette pratique déviante. Oui, elle porte la culotte et elle aime çà. C'est bien. Silence. Je pourrai continuer à tout détailler mais ça risquerais de vous ennuyer alors voici la liste non exhaustive des informations récoltées au cours de cette soirée :
- Le marché du string pour homme n'est pas encore assez développé (dixit un client mécontent).
- Les femmes en Arabie Saoudite raffolent des strings (dixit un gars du pays bien renseigné).
- Le phénomène du port du string en CP est en voie d'extension (dixit une maman au bord de la crise de nerfs).
- Le string ne va pas à tout le monde (dixit un spécialiste des fesses plates).
- Le string c'est confortable (dixit une utilisatrice satisfaite).
- Le string fait partie de la culture brésilienne (dixit un gars qui trouvent les brésiliennes sexy même en culottes).
- La culotte prépare son come back à l'insu de presque tous.
J'aurai pu vous dire que j'étais allée à l'opéra. Je sais difficilement mentir.
Ce post à vocation pédagogique et éducative vous a été offert par Dim.
Vive les débats. Vive les gens qui parlent dans les débats.
Vive Juliet" qui elle aussi, un 15 août, a osé dire non.
" C'est quoi ces débats? vous parlez de géopolitique?"
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