Les deux ou trois choses que je sais d'eux
Liste des sujets envisagés :
Mes perversions musicales : « Oui, moi, mademoiselle *bip*, j'écoute *bip* » : trop compromettant
Mon chat est un type formidable : trop
Ma collection de chaussures : trop Céline D
Ma future carrière de fée multimilliardaire : trop impossible
Mon addiction au goût vestimentaire collectif passager propre à une société déterminée : trop à la mode
Ma quête de l'insoutenable légèreté de l'être : trop pesant
Le bulldog que j'aimerai acheter et que j'appelerai Germain, Lucien ou Marcel : trop canin
Mes voisins : ouais !
-Toutes ressemblances avec des personnes ayant réellement existées
seraient totalement intentionnelles-
Dans mon immeuble, depuis deux ans, on tourne une sitcom, avec beaucoup d'effets normaux et très peu de rebondissements. Pour faire plus vrai, dans ma tête, je m'imagine la petite musique servant à signaler la fin énigmatique ou dramatique d'une scène et le passage à la suivante. Pour les décors, c'est facile, de ce côté là, la prod peut faire des économies : le hall, l'ascenseur, devant l'interphone, dans les couloirs-moquette-rose-qui-pue, ou cas extrêmement rare dans la rue. Le titre ? Aime ton voisin.
Alors bien sûr, y'a plusieurs épisodes, mon préféré c'est "Haute trahison, basse vengeance" ou bien encore "A la recherche du taggeur fou" et "Panique olfactive dans l'ascenseur : mais quel est le con qui sent pas bon". Moi je tourne pas tout le temps juste quand j'ai l'temps. Dans cette sitcom, y'a les monstres sacrés. Ceux qui sont de toutes les scènes, de toutes les brouilles, de toutes les médisances, de tous les tapages nocturne, de toutes les réconciliations à l'amiable. C'est comme à Hollywood en (très) gros, y'a les stars, les starlettes et les pauvres filles/gars, les éternels second plans. « Mais si, regarde, si tu te penches à droite et que tu fermes un il, tu vois le bas de mon pantalon, tout là-bas dans le fond derrière la poubelle ». Il grand temps de rétablir la vérité. Moi aussi j'ai les capacités pour devenir l'un des piliers de cette série pas télévisée. Bientôt je serai comme Hélène, je pourrai tourner dans des sitcoms intellectuelles.
1. Ma voisine ne m'aime pas et me le fait savoir
J'arrive tranquillement dans le sombre couloir du 2ème étage, encore inconsciente du drame qui se trame. Ma voisine, une « jeune », est devant sa porte. Moi, bonne pâte, je sors ma carte "amabilité qui mange pas d'pain":
Moi : " Bonjour" (sourire "entre jeunes on se comprend")
Elle : " B'jour", regard tueur-gromellement-non-identifié-porte-qui-claque
Je suis prise d'un doute affreux, elle me fait la gueule parce que :
Réponse A : Je mets la musique trop fort
Réponse B : Elle n'aime pas ma coupe de cheveux
Réponse C : Elle a aperçu la déco de mon appart et la trouve à chier et pas très feng shui
Réponse D : Elle ne m'aime pas parce qu'elle est méchante
Ce jour-là, mon personnage vient de découvrir ce qu'est LE Mal, tel le naïf Bobby persécuté par son Jr.
Bon entre temps, mon personnage fait preuve de beaucoup de sagesse et d'indulgence : elle apprend que la "voisine" est tous les soirs, entre 18h et 19h, sous perfusion de Shania Twain. D'où énervement, d'où mauvaise humeur, d'où difficultés relationnelles, d'où impossibilité de prononcer le mot bonjour en entier. Ce qui est bien dans cette sitcom c'est que les personnages ont une vraie épaisseur psychologique. Tout comportement suspect a sa raison valable suscitant pitié ou compassion ou les deux.
2. Le jour où j'ai vexé par un mot d'humour mal placé le voisin de 4ème
C'est une scène d'ascenseur donc au départ gênante parce qu'impliquant la proximité.
Le voisin : "Ah, c'est un scoubidou qui est accroché à tes clefs" Le personnage me tutoie tout de suite / -1 sur l'échelle de nos relations neutres.
Moi : "Oui" - dialogue intérieur de mon personnage qui a une vie intérieure très riche : "tiens j'avais jamais fait gaffe mais scoubidou c'est vachement bien comme nom pour un chien (...) ah! mais, flûte*, non c'est déjà pris" (*tout vocabulaire grossier est proscrit par les studios AB)
Lui : "Ah, ah (rire jovial mais non moqueur) moi aussi j'en faisait en CM1 quand je m'ennuyais en cours"
Moi : "J'croyais que les scoubidous, c'était un truc de filles" - Dialogue intérieur de mon personnage qui a une vie intérieure très riche : "Je viens d'inventer un nouveau concept : la femme macho")
Lui (piqué au vif) : "Ah, ouais, vous les filles vous savez tout faire et nous, les garçons ont n' a plus rien"
Moi : "Bon bah, bonne soirée"
Lui : "Ouais"
Ce personnage est un jeune homme perdu suite à l'arrivée en masse des femmes sur le marché du travail. Il a ainsi perdu son identité et son utilité d'homme. D'où déséquilibre psychologique, d'où mini-crise scoubidouiene. C'est un Kevin (c'est le nom de son personnage dans la sitcom) abattu et perdu qui s'endort ce soir-là en pensant "Ah, ces bonnes femmes, j'te jure, elles vont me rendre dingue". Lui aussi a une vie intérieure très riche.
3. Josette et Bernard : des concierges pas comme les autres
Mon personnage comprend vite que Bernard et Josette sont un de ces couples mythiques, des maudits, des rebelles. A la vie à l'Ajax. C'est un peu Bonnie and Clyde mais version concierges. Un pas mouillé dans le hall et tout peut vite dégénérer en prise d'otage. Dans la série, Bonnie elle m'aime bien. J'peux marcher quand j'veux, où j'veux même quand c'est mouillé. C'est normale entre rebelles conventionnels on s'entraide.
Dans deux semaines, j'ai une scène prévue dans le local à poubelles. Comme d'habitude je serai ridicule avec mes deux sacs à la main + tongs en plastique + pantalon de jogging gris doublé molleton. C'est à ce moment là que je croiserai le beau ténébreux du 5ème.
Chez AB, on hésite jamais ridiculiser les pas encore starisés.
"Le Bonjour-Bonsoir est un art"