Viens voir les comédiens
Moi j'aime bien, tous les matins, prendre le bus de la ligne 1. A l'arrêt d'bus, Les comédiens répètent. C'est l'heure de monter à bord. Chacun son rôle. Faut soigner son entrée.
Y'a le chauffeur. Le commandant du vaisseau bardé de technologies, écran digital, l'heure qui s'affiche, le sourire en option mais pas de série. T'as le commandant sympa, d'inspiration Stubingienne (le commandant dégarni de la Croisière S'amuse au sourire "La magie du blanc"). Lui, c'est le gentil qui dit bonjour et qui aime les caniches à manteaux à carreaux. Et puis, y'a l'autre, le méchant, d'inspiration Darkvadorienne, qui grommelle, soupire et jubile à l'idée de démarrer alors qu'un malheureux en bequilles lui fait signe de l'attendre. Dans sa tête y'a un grand AH! AH! AH! démoniaque qui passe en boucle. Son truc c'est de faire chier, de nous imposer Chérie FM et d'assumer. Respect.
Y'a la mistinguette. Plus vraiment miss mais toujours prête pour une p'tite java aux guinguettes. Du rose sur les paupières, du blond dans les cheveux, des rides aux coins des yeux, un parapluie au cas où dans l'cabas à pois. Manque même pas les bas.
Y'a la pinbêche. Lunettes noires. Elle est pas là pour s'marrer alors faut pas venir la déranger. Le bus de la ligne 1 c'est juste un mauvais moment à passer.
Y'a la femme fatale. 1,60 m de jambes, poitrine en avant, démarche féline, rouge aux lèvres, nuage de parfum. C'est du Hollywood années 80 à 9h du matin. Des jambes qui se croisent, des yeux qui s'egarent, des mains qui voudraient bien faire de même. Les femmes soupirent, lèvres pincées. Le ciné s'est invité en ce début de matinée.
Y'a la femme anti-déodorant. Une jusqu'au boutiste. La bonne odeur ne passera pas par elle. Guetter son arrivée. Arrêter de respirer. Regards dégoûtés. Fallait pas se mettre à côté.
Y'a les deux lascards en lacoste. Se montrer, parler fort, s'afficher et finalement céder sa place aux mémés. Comme quoi, les clichés.
Y'a les lycéennes. Méches gélifiées, sacs Eastpackisés, lèvres glossisées. Rires étoufés. "T'as vu la tête de Séverine à la soirée". Sans pitié.
Bientôt le terminus. La pièce est terminée. C'est pas grave, une autre est programmée demain tôt dans la matinée. Comme toujours on va jouer à guichet fermé.
"Pffff, y'a jamais d'place dans ce bus"