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Mon sitcom
9 juillet 2006

Vous reprendrez bien un peu de sourire?

vousreprendrezbienunpeudesourire

La bonne volonté n’y change rien, l’alcool qui pétille non plus, l’étouffement par overdose de petits fours « à la ganache de concombres et d’abricots relevée d'une touche d'ail et fines herbes » encore moins. Le destin, fessu, a pris ses aises. Nous voilà face à face, sourires douloureusement bloqués aux lèvres, points faibles dans le sac à main et rien à se dire, rien en commun, rien, rien, rien, nada je vous dis. Il paraît que le temps court. Dommage, ici, maintenant, tout de suite, il est grabataire. Fuir par n’importe quels moyens, l’idée bien sûr me traverse l’esprit. M’échapper par la petite lucarne des toilettes pour dames, enchaîner incognito une série de roulades entre les convives jusqu’à la porte de sortie, prétexter un problème familial grave et si possible peu glamour : « c’est que depuis deux jours mon yorkshire souffre de diarrhées aiguës, alors vous comprenez, moi, tout ces tralala… ». Et puis non, la fierté de l’apprenti mondain et forcé reprend le dessus : j’y suis, j’y reste. Il s’agit alors d’improviser. Autour de moi, les comédiens sont déjà à l’œuvre, rivalisant de mauvais esprit. Apparemment, la gentillesse se porte mal ce printemps-été 06, elle boudine beaucoup trop les egos.

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Là-bas, une vamp sur le retour dorée à point avance des arguments de taille ficelés à la va vite dans ce qui semble être corsage. Plus loin, un homme de culture confie à une blonde Dolce & Gabbanisée combien ce genre de réunion le lasse, lui l’artiste dans l’âme, sa serviette en papier sur le point de céder sous le poids d’une petite montagne de macarons, joli début d’un kit de survie pour assiégé de luxe. Ce soir-là et comme toujours, bon nombre de lunettes de soleil se portent en serre-tête. Même en pleine hiver, c’est la règle. Cette étrange pratique m’a toujours intrigué, suscitant, pour peu que l’on s’y intéresse, une foule d'angoissantes questions : sont-elles fixer à la Super Glu ? Les posent-ils avant de dormir ?… J’en ai  le vertige.

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Les sourires s’échangent, les regards se cherchent, les postures se prennent. « Et ton tailleur, chérie, c’est du Chacha* (*Chanel) ? » lance une convive avertie à une malheureuse victime* (*il sera plus tard avéré que ce n’était effectivement pas du Chacha). Plus c’est toc plus c’est chic et ça qui est choc. Mieux vaut ne pas avoir quelques kilos en trop, le dress code c’est légèreté, les soucis au vestiaire et la sincérité (la quoi ?) à la poubelle, manquerait plus que ça bordel. « Moi quand je me sens mal à l’aise, j’en fait des caisses » m’a dit un jour une connaissance rompue aux techniques de remplissage en zone de vide. Ce soir-là, dans sa robe en soie elle manœuvre effectivement (et péniblement) son 33 tonnes, aligne les bons mots tel Julien Lepers au meilleur de sa forme. Alternant les intonations, elle ridiculise l’un, flatte l’autre, papillonne dans tous les sens, sûre de son humour, beaucoup moins de ses amours. Amusante deux secondes, gonflante après. Pour le moment autour d’elle la cour s’esclaffe, rang serré de visages déformés par l’hilarité. J’aurai du prendre l’option « art de la joie » au baccalauréat, ça m’apprendra. La thérapie par le rire forcé semble fonctionner. A tour de rôle, on pioche docilement dans le catalogue des sujets imposés, page 404-405 « COMMENT TISSER UN SEMBLANT DE LIEN SOCIAL EN MILIEU PLUS OU MOINS HOSTILE ».

Parmi les figures imposées, il convient de distinguer les grands classiques. Indémodables, infroissables. Voici quelques-uns de ces « must have » à décongeler en cas d’urgence :

Page 404 - réf.404.5689 :

LA METEO

Peu impliquant, franchement chiant, la pluie et le beau temps permet de lancer de nombreux débats captivants :

- la climatisation : ses bienfaits, ses limites, ses dangers

- pour ou contre les ventilateurs sur pieds

- lacanicule peut-elle encore frapper et si oui la France est-elle prête?

Chacun y va alors de sa petite température « relevée hier après-midi sous abris » et de son expérience plus ou moins traumatisante. Nous voilà octogénaires, installés sur un banc, à la fraîche, devisant très sérieusement de météo tout en comptant les voitures défiler. « Mon bureau est plein sud et dès 15h30 c’est intenable, même avec les ventilos » m’apprend gravement une petite blonde. Je compatis, écarquille un peu les yeux en signe de compassion et me fend pour la route d’un « ah oui en effet ». « Du coup j’arrive à 8h et je fais journée continue pour pouvoir partir plus tôt » enchaîne t-elle l'air entendu. Je suis rassurée. L’esprit critique en mode off, je recueille d’autres confidences douloureuses. Et cette maudite pluie qui « abîme le cuir de manière quasi irréversible » ! (phrase authentoc). Je me révolte, j’acquiesce, je suis toujours d’accord. Sans parapluie sous une pluie de poncifs, l’humeur est morose mais le sourire de rigueur. Histoire de gagner du temps.

Page 404 - réf.902.98625 :

LES RAGOTS

Pour être efficace ce sujet doit être lancé avec moult précautions, l’air de ne pas y toucher. Un innocent « et machin/machine vous avez des nouvelles ? » peut suffire à ouvrir le bal des cobras. Dans la cour de maternelle, en tout cas la mienne, la rancœur s’extériorisait à coups de poignées de sable lancées rageusement dans les yeux de son adversaire. Rien ne change vraiment, finalement. La méchanceté est des nôtres. Petites réflexions, attaques larvées et autres compliments au cyanure ne sont pas à prendre au premier degré car ils sont souvent dits « sans méchanceté, sans y penser ». « Elle est mignonne, certes, mais j'ai toujours pensé qu’elle avait une tête de teckel » me dit tout haut et tout de go untelle à propos de bidule, une bonne copine à elle. Entre amis, tout est permis.

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Page 405 - réf. 125.8745 :

LE DERNIER CD/LIVRE/FILM/ŒUVRE MAJEURE A ECOUTER/LIRE AB-SO-LU-MENT :

« Non vraiment, ça ne me dit rien ». Malgré cette aveu d’ignorance, drapeau blanc sortie de guerre culturelle lasse, elle insiste et me décrit tout de A à Z en passant par des lettres qui n'existent pas : la musique, les paroles, le style, l’intrigue, les rebondissements. Elle ménage ses effets, entretient le suspense, mon calme* (*de façade) ne tient d’ailleurs plus qu’à un fil. « T’as regardé Arte hier soir ? », voilà comment je me suis bêtement tombée dans le piège. Oui ou non, à vrai dire peu importe car, à cet instant précis, le besogneux récit a déjà commencé. Rien ne me sera épargné. Pour lui signifier que je suis toujours en vie, je feins l’intérêt mais sans plus, il faudrait pas non plus que se sente trop en confiance, le jeu d'acteur réclame de la subtilité. De toute façon elle s’en fout et enchaîne, me perd dans les détails plissés d’un costume, m’étouffe sous un tas de blabla, m’oppresse par ses analyses personnelles et me balade dans les méandres de son cerveau malade. Elle aime « échanger avec autrui », c’est ce qu’elle dit. C’est vrai quoi, on n’est pas des bœufs, après tout. Au terme de cet échange unilatéral je parviens à aligner quelques mots mal fagotés : « dis donc ça donne envie ».

Euh... C'est par où la sortie?

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" Bah t'es là toi? "

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Commentaires
P
C'est con à mourir de rire ce site ! Des propos à la gomme histoire de se la faire mousser... l'importance. Franchement pour certaines et certains, la vie est une erreur !
J
c'est en cliquant sur un lien déposé sur un blog 20six peu connu que, pour la 1 ère fois, j'arrive ici.<br /> J'regrette pas, y a du contenu et de la finesse dans ces contenus...
I
Hier, tandis que je déjeunais tard (était-ce encore l'après-midi d'ailleurs ?) avec une femme de classe internationale (internationale car elle se débrouille en anglais et me traduit les menus des fast-food) j'aurais pu débattre avec elle de la portée pratique de votre dernière chronique. L'idée eût été bonne. Autour de nous personne ne parlait de météo, n'évoquait de scandaleux french cancan ou ne conseillait tel livre ou tel film. La piétaille des lève-tard et des sans horaires fixes criait sans faim ou se taisait jusqu'à plus soif. Pourquoi ? Parce que la météo dans les Mac do est réglée jusqu'au Jugement Dernier sur 23°C ? Ou parce qu'il est difficile de parler la bouche encombrée d'un Mac Chicken (1 Mac Chicken = 86 petits fours à la ganache de concombre et d'abricots relevée d'une touche de d'ail et de fines herbes). Et votre évocation sur l'étendue du domaine du blabla en société déclenche chez moi un appétit vorace de la phrase (même creuse), de la question (même trop polie pour conserver la moindre touche d'honnêteté). La prochaine fois, au lieu de déprimer avec une bombe sexuelle dans les fast food, j'irai me faire cuire un oeuf (chez vous ?).<br /> <br /> Isidore Goliath de M. - crevard mondain
B
Je n'aime pas trop tirer les cordons des applaudissements... mais bon... en surfant sur ton sitcom... force est de constater que tu donnes dans le divertissement littéraire... avec un zest d’humour subtil, et fin comme l’ambre... c’est bien simple... on en redemande darling !
D
Mais y'avait quand même des cacahuètes au buffet ? Nan, paskeuh bon, la plaisanterie ça va bien deux minutes... arguons de l'essentiel.
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